RPC1 3 A propos de laFrrance qui tommbe, Nicolas Baverez,

Publié le par liger

« REPERES POUR COMPRENDRE L’ECONOMIE »

( Envoi N°13 – février 2004 )



Le commentaire de l’essai de Nicolas Baverez qui suit répond à une demande de participants au débat dans une période où l’on trouve de nombreuses prises de position plus ou moins désabusées sur la situation, spécialement économique, de la France et de l’Europe. Cet essai est aussi une excellente démonstration de ce que nous déplorons, l’absence de tout repère explicite. L’auteur s’efforce de convaincre le lecteur en le laissant dans l’ignorance de ses convictions profondes, à moins que ces convictions n’existent pas, et qu’il compte sur son autorité personnelle pour faire accepter les propos les plus contradictoires.

Avant d’aborder l’exposé lui-même, je voudrais signaler aux lecteurs les fait sui suivent :

- Le pape Jean-Paul II vient d’ouvrir les portes de l’Institut Pontifical des sciences humaines à Joseph Stiglitz, ce qui constitue une prise de position forte en faveur des thèses soutenues par Ce Prix Nobel d’Economie, thèses constatant l’incapacité du libéralisme à résoudre les grands problèmes de notre temps, pauvreté, écarts grandissements entre pauvres et riches, dégats causés par la mondialisation libérale…

- La revue Altenatives Economiques » rend compte dans son numéro 222, du livre de Gérard Fayole intitulé « Tu sera un chef », aux éditions « les empêcheurs de tourner en rond », qui livre quelques décennies d’observations des pratiques managériales, du management participatif à la qualité totale, pour s’interroger in fine sur la question de l’éthique des pratiques en question. Cette approche rejoint celles que nous évoquions au point 6 de notre diffusion précédente, RPC12.

- Notre correspondant et ami lituanien, Mindaugas DAPKUS, nous a fait parvenir un texte qui précise un certain nombre de points très intéressants concernant l’intérêt d’une politique systématiquement déflationniste. Sa mise au point est en cours. Nous le diffuserons dès qu’il sera en forme et qu’il en aura approuvé lcette mise au point.


A Propos de, « La France qui tombe », un essai de Nicolas Baverez



Historien et économiste, Nicolas Baverez, est aussi éditorialiste au « Monde » et au « Point ». Il vient de publier aux éditions Perrin (2003) un essai plutôt pessimiste, intitulé « la France qui tombe », dans lequel, comme on peut le lire en quatrième de couverture, « il nous tend le miroir d’un quart de siècle gaspillé ». Ce quart de siècle nous ramène à peu près à la première crise pétrolière ( 1974 ). Il a présenté son essai, en octobre 2003, à la télévision nationale. J’avais essentiellement retenu deux points : La France décline et l’économie française a raté le retour au libéralisme, solution de tous les problèmes. On sentait percer la référence non exprimée à Hayek, prix Nobel d’Economie en 1974, inspirateur de Margaret Tatcher et de plusieurs Présidents Républicains, aux USA.

Le texte qui suit le présente et commente l’essai de Nicolas Baverez qui illustre bien le manque de références, de repères, à l’appui des préconisations finales. C’est une bonne illustration du manque de repères si caractéristique des débats politiques et économiques actuels. La lecture du livre permet de détecter diverses inspirations dont la cohérence n’est pas évidente. L’historien dispose d’une large documentation qui lui permet de dessiner de vastes et intéressantes perspectives mais ses références théoriques, voire idéologiques ne sont jamais évoquées. Nicolas Baverez n’est d’ailleurs pas le seul à se conduire de la sorte. Christian Blanc était récemment interviewé à France-Inter sur la question du « service minimum » à assurer en cas de grèves. Un auditeur lui demandait s’il se réclamait du libéralisme. Il répondait qu’il ne le savait pas mais qu’il savait quelles réformes, voire quelle révolution, devaient être entreprises ! Comme si l’on pouvait se faire le promoteur de réformes, voire de révolution, - il a bien employé ce mot – sans donner à l’auditeur la moindre indication sur ses orientations idéologiques personnelles.

Nicolas Baverez, historien veut montrer comment la France perd du terrain dans beaucoup de domaines, emplois, formation, recherche…Ce tableau n’est pas inutile. Les français ne sont pas toujours objectifs. Le mouvement des 5000 chercheurs français, en ce mois de janvier 2004, protestant contre la situation catastrophique de la recherche, l’intervention musclée de Claude Allegre sur le même sujet, appuient, juste à point, la thêse de l’auteur. Nicolas Baverez, économiste, veut démontrer que la France est incapable de se réformer. Elle se serait même ridiculisée, expliquait-il à la télévision, dans l’affaire Irakienne, en affichant des positions idéologiques extrêmes ( la paix à tout prix, comme Daladier, à Munich ) alors qu’elle n’avait pas les moyens de la puissance, en clair, pas de capacités militaires d’intervention, ni au plan national, ni au plan européen. « Avec la crise irakienne, la France a subi un Azincourt diplomatique »,P.61.

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Nicolas Baverez , à la télévision se présente comme plus radical qu’il ne l’est dans son livre, lequel laisse paraître, à côté de propositions recevables, doutes et contradictions. L’étonnement du lecteur s’accroît en constatant qu’il a choisi de présenter son essai dans le numéro 10 de la revue « Indépendance », revue de souverainistes d’obédience variée, qui lui consacre une page entière, ajoutant à l ‘absence de repères explicites, une présomption supplémentaire, au moins de bon voisinage, avec des personnalités qui, même se réclamant quelques fois d’une droite assez dure, défendraient plutôt le devoir d’intervention de l’Etat. Ceci n’est pas vraiment du néo-libéralisme.

Historien, il décrit l‘échec de la France, cette « France qui tombe », depuis longtemps, depuis un quart de siècle dans la présentation télévisée, depuis 1880 dans le texte de l’essai ! Economiste, il se réfère constamment, sans jamais prononcer le mot, au néo-libéralisme ambiant, dont nous n’aurions pas su tirer l’essentiel. Une France qui tombe depuis 1880 ! On regrette que l’historien n’évoque que les points noirs. Ils furent certes nombreux . Néanmoins, la période de redressement connue sous le nom des « trente glorieuses » a mis la France dans le peloton de tête des puissances économiques d’importance mondiale. On voit mal comment, sous sa plume, cette période peut mériter le nom « des trente piteuses ».

1 – Son diagnostic.

11 – Echec probable des USA en Asie. Les USA, depuis la chute du mur de Berlin, ont considérablement modifié leurs conceptions. Ils manifestent un impérialisme brutal et s’arroge le droit de déclencher des guerres préventives s’ils considèrent que leurs positions sont menacées. L’auteur désapprouve cet impérialisme dont il prédit l’échec . A prendre en considération P.126, « D’abord l’entreprise de domination impériale globale fondée sur la force, lancée par les néo-conservateurs américains à la faveur du traumatisme national qua représenté le drame du 11 septembre 2001, est vouée à l’échec : Elle se heurtera très rapidement à de résistances virulentes, comme l’atteste la dégradation de la situation en Afghanistan et , à des contraintes financières insoutenables, comme le montre le dérapage des déficits de l’etat fédéral(4,6% du PIB) et des états fédérés, à une opposition intérieure croissante, avec la réactivation des contre-pouvoirs propre à la constitution des Etats-Unis ».

12 – Des gouvernements français sans projets.

Depuis 1985, les gouvernements français n’ont pas présenté de projets crédibles pour le long terme, comme l’eussent fait De Gaulle, voire Mitterrand. Nos gouvernements se sont contentés d’assurer leur survie en différant tout projet de réforme « Ce qui manque aujourd’hui, c’est moins la volonté des citoyens, exprimée de manière éclatante au printemps, que le projet mobilisateur et la capacité à l’imaginer et le mettre en œuvre de la classe dirigeante. En définitive, ce n’est pas tant la France qui est irréformable, que les erreurs gouvernementales et la classe politique qui doivent être réformées. La gauche plurielle a dilapidé, à la fin de la décennie 1990 comme à la fin de la décennie 1980, quatre annés de croissance intensive. La droite est en voie de dilapider une situation politique exceptionnelle, née du traumatisme du du 21 avril 2002 et du sursaut républicain qui en est résulté. La schizophrénie ddu gouvernement donne tristement raison au général de Gaulle qui, devant les errements de la quatrième république, concluait que la France est un pays qui ne fait des réformes qu’à loccasion des révolutions, P.133 ».

Et, P.100, « A l’exemple de Lionel Jospin au chevet de la gauche plurielle, Jean-Pierre Raffarin gouverne au plus près des intérêts de la droite monolithique, sans remédier à la crise qui mine la France et les Français. … En réalité le gouvernement de Jean-Pierre raffarin n’est pas celui de la France d’en bas mais bien celui de la France qui tombe »…. « Comment un gouvernement qui ne sait ni ce qu’il veut, ni où il va pourrait-il thriompher des corporatismes qu’il n’a cessé de relégitimer… »

13 – Des gouvernements qui ne vont pas au bout des réformes entreprises.

La priorité doit, selon Nicolas Baverez, être donnée à une introuvable réforme de l’Etat à partir d’une redéfinition des missions régaliennes et de celles des collectivités territoriales (comme l’avait suggéré Dominique Strauss-Kahn. Elle devrait intégrer l’achèvement d’une vrai décentralisation avec une redéfinition des collectivités territoriales, aujourd’hui en nombre surabondant. La redéfinition des missions est certainement la grande affaire qui permettra, du même coup, de situer les places respectives de l’Etat et de l’Economie, ou , pour être plus précis, de l’Etat et du Marché.

Au lieu de cela, le gouvernement Raffarin se contente de demi-mesures ou de mauvaises mesures :

- une mauvaise conduite de l’affaire 35 heures, conquêtes sociales fictives dont les 35 heures sont le symbole , P.88 et 99. Il s’agit de la loi Fillon, assouplissant les lois Aubry.
- une hausse excessive des honoraires médicaux , P.88,
- le caractère trop partiel de la réforme des retraites , P.88,
- la responsabilité des sociétés publiques d’audio-visuel dans l’affaire des intermittents , P.88,
- la timidité de la nouvelle décentralisation , P98 ,
- l’échec de la politique corse , P 92.

Critique sévères de l’action du gouvernement Raffarin.



2 – Ses propositions :

D’abord, réformer l’Etat. Certainement. Mais dans quel sens ? Moins d’Etat, sauf s’il s’agit de réguler les crises. L’Etat serait, outre ses fonctions régaliennes, chargé, d’abord, de la protection du marché.
Puis relancer l’économie : Il n‘y a de solution que dans la croissance( P.83), « la seule anti-dote au chômage permanent, c’est la croîssance ». A contrario, la déflation constitue le mal absolu. Avec le « tout croîssance », une prise de position qui classe l’auteur dans la catégorie des libéraux qui ne respecteraient pas les injonctions des organismes intenationaux …Car pour nos libéraux actuels , la question du chômage n’est pas centrale. Le chômage n’est pas le mal absolu. C’es l’inflation. On peut faire la même remarque à propos du plan de stabilité européen qu’il trouve stupide, ce qui le conduirait à approuver la politique de Raffarin à ce sujet. Mais il n’analyse pas les causes d’un déficit budgétaire important, qui n’est pas un déficit de gauche, de type keynésien, mais un déficit de droite dû, pour une grande part, à une diminution des impôts au profit des plus riches qui pourront prêter de l’argent à l’Etat et toucher les dividendes correspondants. Mécanisme qu’il conviendrait d’expliquer avec plus de précision.

Au total, le propos de Nicolas Baverez est ambigu, peut-être et même sans doute, inachevé. Ses propositions dans le domaine social et fiscal le rangent dans le camp des néo-libéraux. Son culte de la croissance, seul remède à un chômage qu’il souhaite combattre, mais il ne le dit pas explicitement, le démarque néanmoins des libéraux classiques qui font de l’inflation le mal absolu et préfèrent conserver un taux de chômage assez élevé, de l’ordre de 9% en France, avec un taux de croissance modéré. Sa condamnation du pacte de stabilité, c’est à dire, a contrario, la défense d’un déficit budétaire utile en période de crise, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas, pourrait en faire apparemmment, un Keynésien mais on a déjà indiqué l’ambiguïté de sa position qui pourrait avoir une interprétation différente.

lan plus général, une référence explicite au caractère systémique du fonctionnement de l’économie( P ; 37), référence qui pourraient lui permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives mais ce n’est pas le cas, avec une différenciation des crises entre crises relevant de la systèmique et celles qui n’en relèvent pas ! Comment distingue-t-on la petite crise, non systémique, que l’Etat doit traiter et les crises plus importantes, comme celle de 1930 qui peuvent être catastrophiques si « le marché n’est pas réassuré par l’Etat », comment peut-on savoir qu’une petite crise peut grossir pour relever



QUELQUES UNS DES CONSTATS DE NICOLAS BAVEREZ

- Constat d’un délabrement certain de la société française largement lié à l’incapacité de ses dirigeants politiques, de toutes tendances, à proposer une démarche mobilisatrice. « ce qui manque aujourd’hui, c’est moins la volonté des citoyens que le projet mobilisateur ( P 133 ) ». C’est sans doute pour cette raison que nombre de français se tournent vers les extrêmes au risque de rééditer aux échéances électorales de 2004 le sénario catastrophe de 2002, au profit du FN. Constat partagé.

- Constat de la nécessaire reconstruction de l’Etat et de ses collectivités, de la Région à la Commune,(aspect du problème peu abordé sauf pour ce qui concerne l’échec du Gouvernement Rafarin dans le référendum corse), avec redéfinition de leurs missions, de leurs relations avec le « marché » et de leurs devoirs respéctifs vis à vis des « laissés pour compte ». Ils sont nombreux et ce n’est pas la seule dynanmique du marché qui permettra de trouver des solutions à leurs problèmes.Constat partagé.

- Constat de la nécessaire affirmation de l’Europe, en particulier en matière de Défense et de Diplomatie, pour être en état de répondre aux questions laissées sans réponses par les Etats-Unis, notamment, en Asie Centrale et au Moyen Orient. Mais ceci suppose.. « de désarmer la mécanique déflationniste du traité de Maestricht et du Pacte de stabilité, en reconfigurant la gouvernance de l’Euroland à partir d’un pacte de relance franco-allemand ( P.120) ». Etape nécessaire, besoin urgent. Constat partagé.



Au total, des propositions d’inspiration néo-libérales en matière économique. Un nationalisme français et sans doute européen marqué. Une désapprobation forte de la politique des républicains US, pourtant libéraux avérés. Un refus du pacte de stabilité européen qui n’avoue pas ses raisons … Comment classer Nicolas Baverez ? Une bonne question sans doute pour un débat à relancer.
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Pourquoi faut-il attendre, et ce serait une dernière question à Niclolas Baverez, que les américains eux-mêmes viennent nous expliquer qu’il est temps de reléguer au second plan la « Théologie du marché » pour s’interroger enfin sur ce qui doit faire l’essentiel de notre réflexion prospective, le rôle de l’Etat d’abord, un Etat qui n’abdique pas devant l’économie, une économie dont on reconnaît la valeur relative, un marché qui devrait répondre aux besoins de tous. Mais nous savons que le marché ne sait pas réduire la pauvreté et les inégalités sociales. Le pouvoir, en dernier ressort doit rester au politique. Joseph Stiglitz nous l’a redit sur France Inter, le 6 février 2004, dans le « 7-9 » habituel.








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